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Martine Patine, ou comment casser les préjugés

Vendredi 23 juin à 15h30, j’arrive à Châtelet-les-Halles en plein cœur de Paris, et sous la canopée un groupe de personnes s’affairent dans un vaste espace encerclé de barrières. C’est le crew de Martine Patine, un collectif organisateur d’évènements de roller dance. Ils préparent un stand de prêt de patins, les enceintes sont déjà en place, les DJ sont prêtes à ambiancer la piste, les agents de sécurité se mettent en place. J’arrive mes patins sous le bras, je suis un peu en avance dans le but de rencontrer Kévin, celui grâce à qui tout ça peut avoir lieu.

Astrid: Salut Kévin, qu’est-ce que c’est pour toi Martine Patine ?

Kévin: Martine Patine pour moi c’est avant tout un évènement participatif, social, inclusif, qui permet de créer des rencontres. La culture et le sport permettent de faire en sorte que des gens puissent se rencontrer, vivre ensemble des moments, partager des instants. Que des gens de minorités sexuelles, ethniques, de tout âge, puissent se retrouver et passer un moment joyeux, festif. S’entraider quand l’un tombe, donner des conseils. Se détacher de l’image « roller disco » niveau musical, plutôt aller vers de la house, des musiques dans l’air du temps. Ça nous permet de faire des évènements en clubs, d’aller jusqu’à 3h du matin voir plus, d’aller sur des festivals. On fait des évènements qui peuvent se déplacer aussi bien en extérieur qu’en intérieur, tout au long de l’année, dans des villages, sur des parkings de bord de mer, un truc très modulable qui peut venir prendre sa place partout très facilement.

Donc c’est né à Paris, mais ce n’est pas seulement sur Paris.

C’est né à Paris, on a déjà fait quelques dates à droite à gauche. Là on est en train d’ouvrir pour la première fois une résidence à Bordeaux, on va faire la première date Martine Patine à Bordeaux les 26 et 27 août sur un très gros lieu. Pendant 1 an et demi on n’a quasiment rien fait on était en pause, et là on repart donc beaucoup de dates arrivent à la rentrée un peu partout en France, en Corse…

Et le nom Martine Patine, d’où ça vient ?

On devait trouver un nouveau nom, on était à table et je parle de ma mère qui s’appelle Martine, quelqu’un rebondit sur les albums Martine à la plage, Marine à la montagne etc. Et un autre rebondit « Martine Patine », et le nom est arrivé comme ça.

Oui parce qu’il n’y a pas eu d’album Martine fait du roller, donc vous créez la continuité, vous lui faites découvrir un nouveau sport mais en vrai.

Exactement. L’histoire de Martine commence en fait il y a 5 ans quand j’ai monté un lieu à Paris, l’Aérosol, une grosse friche temporaire dans le 18e, qui a été ouverte pendant 2 ans et demi. Je l’avais dédié aux cultures urbaines. A l’époque j’avais vu des reportages sur les roller rink aux US et j’ai voulu essayer ça vu que le lieu s’y prêtait. J’ai monté une première date à l’Aérosol, j’avais acheté une 30 aine de rollers et ça a tout de suite pris, c’était dingue. J’avais appelé ce rdv « Roule des patins », c’était tous les vendredi soirs, il y avait entre 500 et 1000 personnes, ça marchait très bien. Et quand j’ai fermé l’Aérosol j’ai reçu tellement de messages, de la communauté parisienne et autres qui trouvaient ça trop dommage, car il y a énormément d’adeptes mais assez peu de rdvs, ou alors dans des petits lieux. Nous on veut des grands espaces, pas de commandes pour des évents pour 30 personnes dans des petits espaces. C’est une des règles de Martine Patine : faire patiner le plus de monde possible. Suite à ces messages je me suis dit qu’on allait monter un autre rendez-vous, cette fois-ci itinérant. J’ai donc monté Martine Patine, et on va là où on nous appelle.

Donc ça marche sur des partenariats ?

Oui des partenariats, des villes qui nous appellent, des services culturels, de la privatisation pour des marques, des évènements privés…

Et aujourd’hui cet évènement c’est en collaboration avec le Festival Formes Olympiques ?

Oui, c’est une commande de la ville de Paris via le Carreau du Temple et la Maison des Pratiques Amateurs pour le Festival Formes Olympiques qui va jusqu’à fin septembre, on fait l’inauguration de leur festival.

Est-ce que toi tu roules ?

Pas du tout, ça m’a toujours passionné, j’ai toujours trouvé ça formidable, j’aime regarder, mais je ne m’y suis jamais véritablement mis. Quand j’étais plus jeune j’étais moniteur de ski, donc je suis quand même dans la glisse, il y a peut-être un lien.

Tu t’occupes plutôt de créer du lien entre les gens, c’est ta partie à toi.

Absolument, par contre tous ceux qui travaillent pour Martine Patine, que ce soit Rim, les Skate Patrol, c’est la communauté roller de Paname avec qui je travaille depuis l’Aérosol.

C’est une équipe régulière.

Oui ce sont toujours les mêmes personnes sauf exception, là il y a Vicky qui travaille pour la première fois avec nous parce que plusieurs n’étaient pas disponibles en ce vendredi aprèm, mais Silvio ça fait très longtemps. Marine et Flora sont DJ pour Martine Patine depuis longtemps, les équipes qui sont à la location ou au prêt rollers c’est pareil. On s’entend tous bien, et c’est important vu que parfois on va loin et on reste plusieurs jours ensemble. C’est une petite équipe qui est sous la houlette d’Alban le régisseur général. C’est lui qui met tout en place, les plannings, les déplacements, les hôtels, etc. C’est lui qui est arrivé ce matin à 7h et a tout installé, le son, les barrières. Martine Patine c’est tout ça, des danseurs et des DJ, mais aussi des régisseurs capables de monter son, lumière, scènes, gérer des agents de sécu. C’est un petit groupe très complémentaire.

Des aspects dont on ne se rend pas forcément compte quand on vient juste rouler tranquillement, s’amuser à un event. C’est des heures d’organisation.

Absolument, ils sont là depuis 7h et seront là jusqu’à 23h, et après tout le matos repart en Normandie, ce sont des bonnes journées.

L’aspect location de matos permet à tout le monde d’essayer.

Alors aujourd’hui c’est gratuit, on pousse toujours les gens qui travaillent avec nous pour que ce soit le moins cher possible voir gratuit. Là la ville de Paris a joué le jeu, aujourd’hui il y a 250 paires de rollers qui sont à disposition, tailles enfants et adultes. Après il faut limiter le nombre de personnes qui patinent en même temps, il faut garder en tête le ratio appliqué en patinoire avec 1 patineur pour 3m2, donc on sera plus sur 50 patineurs en même temps max ici pour cet évent.

Est-ce qu’il y aura des initiations de prévues ? Vu que tu parlais de danseurs.

Vicky et Silvio le feront mais de façon très spontanée. Ils sont là pour réguler le dancefloor tout au long de la session, et ponctuellement initier une choré avec quelques personnes mais pas de façon académique, plus de façon fun. Et sur certains formats de Martine Patine on a les danseurs et danseuses pro qui font des shows eux-mêmes. On a 5 shows de 10 minutes qui ont été travaillés avec un chorégraphe français qui s’appelle Sébastien Lefrançois. Ils bossent à fond dessus pour avoir à la rentrée ces shows vraiment parfaitement calés. On travaille cette dimension artistique avec « Roule des Patins » qui est devenu le nom de cette compagnie basée en Normandie. Elle s’occupera de la partie artistique, sur la création des shows, en parallèle de Martine Patine qui est plutôt la production des rdv roller dance. On travaille ensemble, on est complémentaires, mais ce sont maintenant deux entités différentes.

Donc ça a pour objectif de s’ouvrir sur différents horizons, d’élargir vos propositions.

Oui on veut se faire plaisir, s’ouvrir, s’amuser, tester des trucs.

C’est à partir de quel âge qu’on peut venir patiner dans vos évents ?

C’est à partir de 10 ans.

C’est l’occasion rêvée pour les petits d’essayer sans avoir à acheter une paire, ce qui peut être un peu onéreux et on ne sait pas forcément si ça va plaire.

C’est ça, c’est une première étape.

Ok, je vois mieux comment ça s’est construit, c’est vrai que c’est un parcours un peu particulier par rapport aux autres organisateurs d’évents roller, qui sont souvent des gens qui eux-même roulent. Martine Patine s’est monté un peu en marge de ça, c’est une autre histoire, mais c’est maintenant totalement ancré dans la sphère culturelle parisienne.

Oui, totalement. Et puis on travaille beaucoup avec les autres structures roller parisiennes, on a fait beaucoup de trucs avec Flaneurz, avec Roller et Coquillages, avec Wheelz and Feet, (notamment Jean-Marc) qu’on a fait travailler en les prenant comme Skate Patrol sur des évènements, avec les filles du roller Derby parisien quand on était à l’Aérosol. On a fait aussi beaucoup de choses avec le milieu LGBTQ+, notamment avec le collectif Barbieturix.

Pour terminer est-ce que tu aurais une anecdote, un souvenir cher à ton cœur lors d’un évent Martine Patine ?

J’ai plein de souvenirs, mais un de mes plus beaux c’était à l’Aérosol. J’avais ce très grand lieu de 7000 m2 et je prenais toujours un malin plaisir à mettre plusieurs scènes sur le site, à mélanger les publics, et parfois à prendre des risques. Un samedi soir j’avais prévu en intérieur une roller party avec les Barbieturix, un collectif LGBTQ+ de Paris, et sur le quai extérieur j’avais prévu de faire un truc hip-hop avec le collectif du 18e, la Scred Connexion, qui sont des mecs de 45 piges issus de la culture historique hip-hop parisienne. Je me dis c’est tendu de mélanger la communauté lesbienne et ces hommes pleins de testostérone, mais j’y vais parce qu’au cœur de mes préoccupations il y a la question de comment on pousse les rencontres, on pousse les gens à découvrir et se coucher moins bête, comment on casse les préjugés. Je tente ça, et ça se passe formidablement bien. Les mecs qui étaient venus pour le hiphop sont tous venus en salle et ont pris des patins, et la soirée a eu lieu en mélangeant tout le monde sur le même dancefloor. C’était fabuleux, tout le monde rigolait ensemble. C’est un bon souvenir, les voir se rencontrer, cohabiter, déconner ensemble et se regrouper autour d’une même pratique.

C’est une super anecdote, merci beaucoup de m’avoir accordé de ton temps !

Ça y est, il est presque 16h et l’évènement est sur le point de commencer. Kévin retourne à son travail pour accueillir les premiers arrivants qui troquent leurs chaussures contre une paire de bottines à roulettes.

Je chausse mes patins et commence à rouler sur le rink pour m’échauffer, appréciant l’aspect lisse du béton. La musique attire les passants, très nombreux en ce vendredi après-midi ensoleillé. Ils se placent derrière les barrières pour observer les patineurs. Tous âges et niveaux mélangés, ça roule, ça rit, ça chute et ça se relève, ça danse en rythme au centre pour les plus à l’aise.

Les Skate Patrols, Silvio et Vicky aident les débutants à patiner, et parfois s’amusent à mettre l’ambiance en faisant le show. Vicky me remontre comment faire le Crazy Legs, pas que je peine encore à rentrer, et une rollerdanceuse participante m’apprend à faire tourner mon Downtown. Je reconnais quelques visages déjà aperçus en évent Wheelz and Feet, des membres assidus de la communauté roller parisienne.

J’ai passé un très bon moment avec Martine Patine, à danser avec des inconnus, montrer aux curieux la beauté de notre sport, rouler dans ce lieu à l’architecture si intéressante, et aider des débutant.e.s. C’est toujours un plaisir de voir des bambis chausser des patins pour la première fois, merci de permettre ces découvertes par le prêt ou la location de patins à petit prix ! Merci pour la création de beaux souvenirs, voire le déclenchement de nouvelles passions ! Merci au staff de Martine Patine pour l’accueil, et à Kévin pour cette discussion !

N’hésitez pas à les suivre sur les réseaux, pour vous tenir au courant de leurs prochains évents, notamment le 2 juillet 2023 au Carreau du Temple (Paris), et les 26-27 août 2023 à la Faïencerie (Bordeaux) ! Venez faire la fête, rouler, rencontrer la communauté roller de votre ville, et vous créer des souvenirs inoubliables.